Vous trouverez nombre d’informations sur les fameuses étapes du deuil. C’est en réalité très complexe et très personnel. Voici quelques clés pour comprendre et traverser l’une des plus dures aventures de la vie : la perte d’un proche.
C’est quoi le deuil ?
Une réaction à la perte
Confronté au décès d’un proche, le formidable cerveau humain traverse une tempête d’émotions, très violentes. Pour y faire face, il entre dans une période de travail, qui va lui permettre de résister et de survivre, en laissant aller ce qui est perdu, en laissant s’installer un détachement serein, pour continuer à vivre.
Cet état affectif douloureux, cette réaction qui suit le décès d’un proche, chacun d’entre nous peut aussi l’avoir vécu autrement. C’est la même que lors de toute perte ou transition marquante, comme la fin d’un lien amoureux ou amical, l’abandon d’un lieu, d’un emploi, la perte d’un rêve d’enfant parfois. Le processus est sensiblement le même, l’intensité diffère.
À quoi ça sert, le deuil ?
Les «missions» du deuil sont nombreuses et toutes importantes :
- Accepter la réalité de la perte
- Vivre la douleur du deuil
- S’adapter au monde sans la personne disparue
- Tisser un lien intérieur avec la personne défunte et poursuivre sa vie
Combien de temps ça dure un deuil ?
Ce deuil demande du temps, sans que l’on puisse donner une durée unique. La qualité du lien avec le défunt, la proximité, l’histoire de l’endeuillé avec la mort (notamment lors d’épreuves successives), sa vie spirituelle, les circonstances de la disparition : tout interagit lors du deuil pour créer un scénario, un parcours, un cocktail d’émotions unique.
Autrefois, le deuil s’accompagnait de rituels, de coutumes et de costumes (on affichait son deuil), qui, dans nos sociétés, s’étalaient sur un an environ. La première année qui suit un décès reste la plus violente et la plus importante pour faire son chemin. C’est l’année des «plus jamais», un cycle de saisons, de fêtes, où le défunt est l’absent permanent.
Là encore, chaque vie et chaque mort sont différentes et la vie réelle peut être très éloignée de cette théorie. Pour certains, les anniversaires restent douloureux pendant des années, et c’est aussi normal.
Les spécialistes évoquent une durée de 6 à 24 mois. Au-delà, quand le deuil n’avance pas, on parle de deuil non résolu, de deuil chronique, cela peut nécessiter une aide extérieure spécifique.
Toute personne endeuillée doit penser à un accompagnement, à titre individuel avec un accompagnement psychologique, spirituel ou médical ou collectif dans un groupe de paroles par exemple, ou avec des proches bienveillants.
Un cocktail d’émotions à digérer
Certains restent bloqués dans leur souffrance avec des bouffées d’angoisse, des symptômes physiques, un état dépressif qui s’installe. L’aide extérieure est alors d’un grand secours.
En effet, le conjoint, le frère, la sœur ou l’enfant désirent parfois par-dessus tout maintenir le lien avec le disparu. Plus ou moins consciemment, la personne va associer le deuil à un abandon et culpabilise de «laisser partir» le proche disparu.
Si la culpabilité est un sentiment normal dans le deuil, il ne doit pas empêcher d’avancer trop longtemps.
N’oublions pas aussi la représentation sociale du deuil, qui perdure dans notre société et dans nos représentations culturelles, au cinéma ou ailleurs. Ces images d’Épinal, de veuves éplorées, de bonhommes qui ne pleurent pas, bras croisés, ont la vie dure et certains s’y accrochent par peur du regard extérieur, ce qui les empêche d’avancer.
«Le deuil est comme l’océan; il vient sur des vagues qui vont et viennent. Parfois l’eau est calme, et parfois elle est écrasante. Tout ce que nous pouvons faire, c’est apprendre à nager.»
Vicki Harrison
Les étapes du deuil : le chemin d’acceptation
Un fleuve intranquille
Longtemps (et aujourd’hui encore), on parle des étapes du deuil.
L’histoire commence il y a plus de 50 ans avec la psychologue Elisabeth Kübler-Ross. Cette dernière a expliqué le deuil en faisant un parallèle avec l’annonce de sa maladie à une personne condamnée, dans son livre «Les derniers instants de la vie», publié en 1969. Elle identifie 5 étapes reprises à l’infini jusqu’à aujourd’hui. Mme Kübler-Ross elle-même dans les années 2000, et beaucoup de professionnels, ont nuancé depuis ces étapes, simplifiées à l’extrême. Alain Sauteraud, par exemple, un psychiatre français cite une étude solide qui a montré que « l’émotion principale et spécifique du deuil est l’état de manque du défunt ». Pour lui, elle est maximale au cours des six premiers mois.
Le cerveau dans tous ses états jusqu’à l’apaisement
Imaginons plutôt ces fameuses étapes comme des états psychologiques traversés, plus ou moins longs, dans cet ordre ou pas. Ce sont des jalons sur un chemin non linéaire et très personnel. On l’a déjà vu, le parcours dure plus ou moins longtemps et chaque «moment» peut revenir plusieurs fois, voire être vécu en même temps. Le cocktail des émotions fortes est parfois détonnant, surtout au début, avec de la colère, de la tristesse, de l’angoisse et de la culpabilité dans la même journée. Épuisant.
Retenez que chaque deuil est unique, certains ne vont pas vivre certaines étapes, d’autres en vivront de nouvelles, plusieurs fois, avec des retours en arrière, des moments d’accalmie et de rechute. Les réactions sont toutes normales, les étapes de digestion successives n’ont qu’une destination : l’apaisement final de la douleur. Ce n’est pas une marche à suivre ni une recette miracle, mais des clés pour comprendre ce qui arrive.
Avant les larmes, tout commence par le choc et le déni
Avant les larmes, certains vont rester quelques jours dans un état de sidération. On a tous assisté à ces cérémonies où la famille au premier rang présente tous les stades du chagrin. Certains semblent ailleurs, refusant presque leur situation. Et c’est normal. L’esprit se protège, parfois un long moment, en se mettant en mode «veille» face aux émotions les plus fortes qui soient.
À l’annonce de la mort, toutes les réactions sont possibles : agitation, angoisse, choc qui tétanise, voire le déni. Certains contestent l’évidence, crient à l’erreur sur la personne, nient la réalité trop difficile. Voyons cela comme un matelas qui amortit une chute vertigineuse. C’est un mécanisme de défense sain s’il est transitoire.
La colère déportée
Autre réaction parfois surprenante, y compris pour celui qui la vit : la colère. La personne endeuillée est en colère en réaction à un sentiment de trahison envers l’univers et la vie, ou même face à l’être disparu. Elle déplace alors souvent la colère contre une autre personne de l’entourage. Les proches traversent alors parfois des périodes difficiles, chargées d’amertume et de désaccord.
Si vous êtes victime (collatérale) de cette colère, retenez que ce n’est pas contre vous qu’elle s’exerce en réalité. Vous n’êtes que le (mal)heureux élu, choisi parce que vous êtes aimé justement. Certains vont tourner cette colère contre eux-mêmes, en développant un sentiment de culpabilité violent. Ils souffrent du regret de ne pas avoir été là au moment du décès, de paroles tues, voire de liberté retrouvée quand le défunt a été longuement malade.
Tous ces sentiments sont normaux et demandent à être exprimés, sous peine de devenir bloquants. C’est parfois le plus difficile : arriver à en parler avec des proches malgré la peur du jugement.
Notre conseil : pensez aussi aux nouvelles formes d’accompagnement, comme l’association Happy End qui organise des petits groupes de parole entre personnes endeuillées. Encadrés par des personnes formées au deuil, ils permettent de partager ces vagues d’émotions contradictoires traversées après la mort d’un proche.
Autre étape parfois difficile à vivre : le marchandage
Tous les deuils ne sont pas concernés. C’est l’espoir d’un retour en arrière, pour effacer la perte. Le marchandage est une sorte de négociation intérieure, une évaluation de sa position dans cette histoire de mort. On promet de changer de conduite pour satisfaire une instance supérieure (l’univers, Dieu). La personne va ressasser le passé, imaginer des scénarios différents à base de «si je…».. Certains arrivent à se convaincre qu’ils auraient pu changer le cours des choses. Encore une fois, c’est une étape normale qui aide à avancer.
La grande tristesse
Les Québécois l’appellent la «grande braille». C’est ce moment, plus ou moins long, où le chagrin prend le dessus. C’est une phase importante qui doit être vécue pleinement, la peine doit s’exprimer pour être évacuée. «Remonter le moral» ne sert à rien, même si c’est inconfortable pour ceux qui demeurent aux côtés de la personne, acceptez-le. Les émotions ressenties peuvent aussi faire peur à la personne endeuillée elle-même, avec le sentiment que jamais elle ne s’en sortira. Il faut le vivre comme une longue traversée, avec au bout du tunnel, la paix retrouvée. Soyez vigilant pour vous et les autres, si la personne reste bloquée, sombre dans la dépression ou les addictions. Là encore, les aides psychologiques, spirituelles, médicales sont nombreuses et peuvent être sollicitées. La parole est la plus grande des consolatrices.
L’acceptation, dernière étape du deuil
C’est la dernière phase qui arrive quand tous les sentiments ont été exprimés et épuisés. Les émotions vives sont surmontées, la personne endeuillée peut repenser à l’être disparu de façon plus sereine, plus calme, avec du soulagement d’être sorti du deuil. Bien sûr, les dates anniversaires ranimeront les étapes précédentes, mais le climat tempétueux est passé.
Pour se faire aider dans les démarches et se concentrer sur son deuil, consultez nos services
Bibliographie
À se procurer
Mon journal de deuil | Traverser les étapes du deuil et renaître à la vie, par Sarah Dumont, fondatrice de Happy End, préface de Christophe Fauré – éditions Leduc
Conçu comme un journal de bord, plein de ressources pour cheminer dans le deuil.
Pour comprendre les étapes du deuil
- « Vivre le deuil au jour le jour » par le Dr Christophe Fauré – Un guide pratique et réconfortant qui explique les différentes étapes du deuil et propose des conseils pour traverser cette épreuve jour après jour
- « Sur le chagrin et le deuil » par Elisabeth Kübler-Ross – L’ouvrage de référence de la psychiatre à l’origine du modèle des 5 étapes du deuil, explorant en profondeur ce processus